LEXICARABIA

LEXICARABIA

Consonantisme sémitique 1/2

 

Abdelghafour Bakkali

 

 

Les langues ne se rapportent point à un type grammatical unique et ne sont nullement réductibles à un seul système primitif.
Charles Renouvier, Essais de critique générale, 3ème Essai, 1864, p.19

        1A533507-7FCC-475A-9991-99DC15CD7694.gif Pour que se précisent les contours phonético-morphologiques de l’emprunt sémitique, nous aimerions exposer succinctement, dans le présent article, les particularités pho­nético-phonologiques et morphologiques des langues sémitiques. Celles-ci se caractérisent en principe par la présence, dans leur structure basique, de racines consonantiques. Henri Fleisch, 1968, L’arabe classique : Esquisse d’une structure linguistique, p.32 (révisé le 31 mars 2011), note que : «La racine [dans les langues sémitiques] est composée de consonnes (et seulement de consonnes) au groupement desquelles est attachée une idée générale plus ou moins précise.» Ces racines sont fréquemment trilitères, issues pour certaines d’entre elles du bilitère qui véhicule un sens qui sera discrètement différent dans les racines trilitères dont elles sont issues. Les voyelles, par contre, sont très réduites et ne figurent pas sur le mot qui, suivant une flexion interne, pourra avoir différents signifiés. Et c’est là notamment que se distinguent les langues sémitiques des indo-européennes. 

 

        Cette racine, n'ayant pas subi de profondes altérations dans les langues sémitiques attestées, reste porteuse de son signifié initial, de l’idée générale. Prenons, à titre d'exemple, la racine WR(KH) [و ر خ] «briller [lune]» sans cependant prêter attention à l'évolution de l'un ou l'autre phonème qui la composent :

 

 

- on a  en guèze warkh, warkhu

- en akkadien, en hébreu yerakh,

-en araméen yarkha,

- warkh en arabe.

 

  C'est de  warkh que dérive  le verbe arrakha [أرَّخَ] ou warrakha [وَرَّخَ], ayant pour acceptions «dater un livre ; préciser la date de sa rédaction» (cf. KA, كتاب العين 1,574).

 

            Jean Cantineau, 1960, Etudes de linguistique arabe, p.15, précise par ailleurs que le sémitique primitif comprenait «31 consonnes dont, il est vrai, deux /b/  et /d12/ sont douteuses ». Il les présente sous forme d'un tableau regroupant ces unités consonantiques arrangées selon un critère phonético-phonologique. Chaque«unité phonétique», ou «triangle phonétique» est en fait constituée d’un faisceau à trois consonnes ayant les traits voisé/non voisé/emphatique. Les langues qui dérivent de cet ancêtre commun ont naturellement retenu ou écarté l'un ou l'autre phonème ; autrement dit, les consonnes ayant l’un des traits cités supra, ont subi soit des changements dans leur structure phonologique, soit disparu de la structure phonologique de l’unité lexicale attestée. L'arabe ancien, par exemple, n'en retient que 29 d’après al-Khalil b.Ahmad, KL,1,57,كتاب العين  qui note dans la «Préface» de son dictionnaire qu’«[…] en arabe, il y a 29 consonnes dont 25 sont «fortes» (siha:h صِحاح) ayant leur point et mode d'articulation, et 4 «abdominales» (gawfiyya جوفِيّة) , appelées ainsi parce que la langue n’entre pas dans le processus de leur réalisation, ni même le larynx, ni non plus la luette, mais elles sont un souffle d'air». Ces consonnes sont, selon l’auteur du KA, les glides [w], [y] et le hamza.

 

       Charles Brockelmann, admettant le principe comparatif, étudie les phonèmes sémitiques et fait remarquer qu'ils constituent la dichotomie voisé/non voisé ; or, on a les labiales [p/b], les dentales [t/d], les vélaires [k/g], les spirantes vélaires [(kh)/(gh) خ/غ], les spirantes pharyngales [h/C, ح/ع], les interdentales [th/dh], ث/ذ], les sifflantes [s/š] س/ش, etc. C'est un système consonantique de 27 phonèmes, augmenté des sonnantes ou glides [w] et [y].

   
  Les langues sémitiques ont par ailleurs des consonnes qui se répartissent selon un mode d'articulation triadique : consonnes géminées, sonores/sourdes et consonnes emphatiques. Ce système, fondamentalement consonantique, se caractérise aussi par d'autres particularités phonétiques. L’emploi du hamza est pertinent en arabe. Cette occlusive glottale est «notée par un caractère nommé alep en hébreu, °alāp en araméen, alf en éthiopien » (Cantineau, 1960, ibid., p.76) avant un phonème quiescent, i.e. il y a une sorte de voyelle prothétique, comme en latin on adjoint -i ou -e dans des mots tel que stare > istare ou estare, rendant ainsi le groupe -st dissyllabique. L’assyro-babylonien limnu «méchant» serait issu de deux segments signifiants: la particule /lā/ qui équivaut en arabe à /lā/لا privatif et  *imnu ; or
on a limnu →/lā/+ *imnu. Il en est de même pour /lū/-  préfixé au verbe  *ikchud > *likšud issu de /lū/ + ikšud  «faux », etc. En arabe, on ajoute la voyelle prothétique à certains impératifs :   qtul > uqtul  « tue ! ».

 

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11/06/2013
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