LEXICARABIA

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Classement des textes

 

 

Abdelghafour Bakkali

 

"La manie de classifier peut être bonne à l'endoctrinement, mais elle est inutile à la science. Elle aide l'élève à répondre, et le docteur à enseigner."
Joseph Joubert, Pensées, essais, maximes et correspondances, Hachette, posth. 1838
 

 

    Comme nous l'avons souligné dans les articles précédents consacrés essentiellement à l'étude de texte[1] ou encore à l'analyse méthodique du discours écrit, nous allons maintenant aborder une autre analyse focalisée sur le classement des textes.

 

  Nous entendons par classement l’opération qui  consiste à regrouper sous une même catégorie des productions écrites dont la diversité étonne. cette classification textuelle vise grosso modo à ranger dans un certain ordre et selon un certain nombre de principes des textes destinés à la lecture.


    Cette catégorisation est l'une des phases les plus importantes pour l'accès au texte. L'arrangement retenu est donc une ouverture essentielle pour qu’on aborde une analyse plus fine. Ceci nous amène à dégager la théorie, les règles voire les principes de ce classement. Cette taxonomie devrait être le fondement même de toute étude textuelle méthodique.

 

    L'analyse du texte écrit relève par ailleurs de plusieurs facteurs, à savoir la reconnaissance par le lecteur actif des ingrédients classificatoires qui ont la vertu de le ranger dans une catégorie spécifique. C'est notamment ce que nous allons exposer dans cet article.

 

    Notons d'abord une caractéristique textuelle pertinente qui devait nous orienter dans la reconnaissance des difficultés inhérentes à ce type de production. Les distorsions d'un texte devraient eu égard guider notre analyse. Un texte est en somme un moyen de communication qui possède les traits et les qualités nécessaires à l'échange entre le producteur du discours et le lecteur ou l’auditeur. De ce fait, il présente, quelle que soit la rigueur de sa composition, deux importantes «faiblesses», «déséquilibres » ou distorsions. D’abord, il ne dit pas assez : il tait de ce fait certaines choses. Le texte ne pourrait pas traduire dans toute sa dimension le véritable état d'esprit du locuteur, ni non plus les objets de la réalité tels qu'ils sont et les êtres qui sont engagés dans on récit. Les mots, pris dans leur littéralité, ne suffisent nullement à exprimer tout ce qu'un locuteur a envie de dire. Il recourt généralement à la mimogestualité pour que son message soit saisi évec précision par le destinataire. Les silences mêmes, qui marquent souvent des pauses significatives lors d'un échange, sont autant de «mots» que le producteur de l'énoncé n'arrive pas à sélectionner dans son répertoire mental et encyclopédique. Même les descriptions, dans les textes narratifs, sont des «mots » qui donnent plus d’aplomb à la narration. Ensuite, il dit trop ; il en répète d'autres éléments à satiété. Si le mot n'existe pas, il emploie quasi systématiquement des périphrases ou donne aux mots des valeurs stylistiques souvent ambiguës, difficiles d’accès  [2].

 

Cependant, pour pallier ces inconvénients, on procède stricto sensu à son oralisation (cf. pièce de théâtre jouée par des acteurs, lecture-diction, lecture du speaker, exposé, plaidoyers, etc.). La mise en situation supplée donc à ce qui manque à l'information, les moyens non-verbaux à ce qui manque à la communication. Dans le texte oral, les éléments redondants ont une valeur mnémonique ; ils donnent l'illusion de la fixité au milieu de cette multitude de mots qui s'envolent et qui s'entassent dans un espace appelé texte. Dans un texte écrit, on peut toutefois s'en passer, parce que c'est le destinataire qui prend en charge l'assimilation du contenu textuel pris dans sa dimension discursive et situationnelle. Le théâtre se sert souvent d'indications scéniques ou didascalies pour combler le vide, ou encore réduire l'opacité, observé dans le texte écrit.

 

Rappelons ensuite que Le classement textuel, entendu comme la catégorisation des énoncés diversifiés, des textes-discours, repose sur un certain nombre de principes regroupés essentiellement selon les intentions de communication du producteur du discours. Le texte devrait être considéré, dans ce type de classement ou de classification, comme le générique de discours, conversation, dialogue, monologue, texte écrit, etc.

 

A.Kibédi Varga, 1989, Texte, discours, récit,14 distingue quatre grandes classes. Le premier concerne le texte écrit destiné à être lu. Pour cette catégorie de texte, on peut citer les textes de la vie pratique, tels que les textes officiels, les modes d'emploi, les articles de journal, de revue, les textes publicitaires, prospectus, etc.

Le texte écrit destiné à être récité regroupe, selon cette deuxième catégorie, les textes mixtes ayant certains traits de l'écrit et des caractéristiques de l'oralité, comme les plaidoyers, les sermons, les pièces de théâtre, etc.).

Le troisième  est relatif au texte récité à l'origine et imprimé ensuite. C'est la catégorie de textes anciens ou folkloriques, enregistrés par des scribes. La littérature ancienne offre par exemple l'épopée; la littérature populaire, la chanson, les contes de fées, etc.

Le quatrième enfin est consacré au texte oral destiné à être dit. Il s'agit en effet des conversations spontanées qui naissent au contact de deux ou plusieurs protagonistes. Ce sont des textes en majorité dialogiques; ils sont étroitement liés à la situation sociale qui les provoque. L'analyse du discours s'intéresse presque exclusivement à cette catégorie. Les réseaux sociaux visualisent ce type de texte.

 

Cette classification ou encore cette taxonomie, détermine en somme la fonction de chaque catégorie : le texte pourrait de ce fait être lu, récité, dit ou rétabli à partir d'un texte qui appartient à la tradition orale. La lecture, la récitation et la diction constituent autant d'éléments indiciels pour la constitution de «classes » (mot issus du latin classis qui signifie « division, catégorisation ») de textes. Cette classification est l'une des percées les plus pertinentes pour la compréhension du discours-texte. Les théoriciens du texte parlent actuellement de typologie textuelle pour que soient catégorisés les énoncés soumis à l'analyse. La notion de classe dont il est question supra cédera la place au concept type, mot formé sur le latin typus «modèle, symbole» qui est à son tour issu du grec tupus « empreinte, marque ; caractère d'écriture », de tuptein « appliquer, frapper ». Notons par ailleurs que l'approche basée sur le classement typologique se réfère à la méthode globale des textes écrits. 

 L’approche n’est adéquate que lorsqu’elle tient compte des recherche en théorie du texte. Cela permet eu égard une compréhension plus efficiente parce que le lecteur part d’un classement, accède au message et se rend compte de la pluralité des textes. 


[1] La textologie est la science du texte, de l'écrit.

[2] « Figures du discours et ambiguïté », sous la direction de Marc Bonhomme, in Semen novembre 2002.



16/03/2011
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