LEXICARABIA

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Principes fondateurs de la mise en situation professionnelle (MSP)

Abdelghafour Bakkali



 "Je suppose que déjà sur les bancs de l'école on trouve des fanatiques, qui ont buté une fois, et qui sont offensés pour toujours; ils ont juré d'apprendre sans comprendre. Ils ont dit une fois ce qu'ils pensaient; et cela n'avait pas de sens. Ils ne s'y frottent plus. C'est pourquoi la méthode si simple d'apparence, et qui veut toujours éveiller le jugement, n'est pas sans périls."
Alain, Propos,1931, p. 992.


1- Présentation de la démarche :

 

Conduire (telle est la portée même du mot pédagogie) -ou mieux encore gérer – un groupe classe d'une manière opérante et opérationnelle exige de l'élève-professeur un entraînement progressif et programmé à des techniques pédagogiques ayant prouvé leur efficacité et leur rentabilité dans le domaine du développement des aptitudes professionnelles et du savoir-faire professionnel. Depuis la troisième décennie du siècle dernier, le micro-enseignement - ou ce qu'on pourrait désigner, en ce qui nous concerne, par la dénomination de «pratiques préliminaires de mise en situation professionnelle" (désormais « pratiques »)- est une méthode souple de formation des enseignants mise au point par une équipe de professeurs chercheurs à l'Université Stanford, l'une des plus prestigieuses universités américaines, au cours de l'été 1963[1], est a fortiori une approche qui facilite un accès sans risques majeures au métier d'enseignant et favorise au stagiaire un entrainement progressif à la maîtrise des compétences requises pour l'enseignement. Il comble en effet le hiatus entre la formation théorique, cumulative et rationnelle,  et la mise en situation pratique. Grâce à des techniques pédagogiques rationnelles - de préférence négociées avec la population des formés -, l'élève-professeur acquiert le savoir-faire qui constitue la pierre angulaire de la formation initiale voire continue. Ce savoir-faire professionnel suppose à la fois le savoir-dire ou savoir-faire communicatif. Confronté directement - par le biais des « pratiques » mentionnées supra- aux difficultés que sous-tend l'exercice de la fonction d'enseignant, il développe progressivement des aptitudes pédagogiques efficientes grâce surtout à la responsabilisation conférée par cette méthode. Passé directement à l'action, il essaie de matérialiser ses compétences dans des prestations choisies à cet effet. Dire mais aussi faire, voilà les tenants et aboutissants des « pratiques ». Entendons par aptitudes, concept dont la portée est variable, des types de comportements que le sujet adopte soit par imitation, soit d'une manière intentionnelle, i.e. des attitudes développées selon la situation dans laquelle il se trouve, ou encore les objectifs qu'il se fixe ou les compétences qu'il espère développer pour l'exécution d'une action. L'aptitude de ce fait pourrait être innée ou acquise. Ce qui nous intéresse c'est à la fois de faire découvrir et^reconnaître les aptitudes naturelles et de développer d'autres inhérentes à la pratique professionnelle. On ne pourrait en aucun cas compter sur ses seules dispositions naturelles. Aller vers d'autres aptitudes en rapport avec l'exercice de ses fonctions serait la meilleure façon de prouver à soi et aux autres sa capacité à mener à bon terme ses activités professionnelles.

Les « pratiques » que nous cherchons à mettre en œuvre, selon une démarche simple mais rigoureuse, concernent à la fois le contenu d'apprentissage (préparation de l'activité), la démarche pédagogique préconisée pour l'atteinte des objectifs de la séance que les modalités d'évaluation préconisées pour la vérification de l'impact de l'activité sur la population ciblée. La notion d'aptitude vise aussi la concrétisation des  «techniques pédagogiques » que manifeste le stagiaire lors de la mise en œuvre des différentes activités de classe. Celui-ci fait justement preuve de contention dans la sélection des moyens pédagogiques et didactiques à utiliser pour que son action  revête un caractère déterminant et utilitaire. De ce fait, il  s'approprie  un «style » personnel et accentue, au terme d'un entraînement programmé, des aptitudes pédagogiques qui se manifestent au cours de la préparation de la leçon, au moment de la sensibilisation, pendant la présentation du contenu de l'activité et pendant la phase de clôture.

Voici à titre d'exemple les quelques aptitudes générales qu'un enseignant stagiaire observe lors du processus de l'acte d'enseigner :

 

  • Savoir commencer une activité de classe ou une partie de cette activité. C'est sensibiliser la population cible  au sujet de l'activité qu'on entreprend (situer le travail, éveiller l'intérêt du public cible, le sécuriser, etc.)
  • Initier les apprenants à l'observation d'un corpus (phrases, textes, images)
  • Manipuler un corpus
  • Conceptualiser (fonctionnement linguistique d'un énoncé, par exemple)
  • Savoir s'exprimer de façon audible, claire, précise et logique. La communication verbale constitue un atout important pour que le contact puisse s'établir normalement entre enseignant et enseigné. L'animateur doit également doser son comportement non verbal (expression faciale, gestuelle ; déplacements, mimique)
  • Etre aussi capable de poser des questions fréquentes, variées et opportunes.
  • Savoir encourager et canaliser la participation des élèves apprenants.
  • Savoir capter l'attention des élèves en ne négligeant ni les plus disponibles ni les plus effacés. Et cela se traduit généralement par la rigueur de la démarche, par la force de la personnalité de l'enseignant et par le rapport de compréhension établi entre les deux acteurs de la classe.
  • Etre capable de concrétiser par des exemples clairs le contenu des différentes activités.
  • Créer une dynamique qui privilégie la répétition et qui n'insiste pas trop sur les détails, mais qui favorise la récapitulation.
  • Approfondir les réponses les plus pertinentes des élèves. Partant, on les incite constamment et à des degrés divers à analyser, à synthétiser, à classer les opinions émises.
  • Exploiter les supports qui facilitent la communication et l'atteinte des objectifs pédagogiques.
  • Etre disponible tout le long du cours au niveau de compréhension et d'assimilation du contenu de l'activité visée et du degré de performance des élèves sans discrimination aucune (questions de contrôle, indices visuels, surveillance du travail individuel).
  • Faciliter le rapport élève- élève aussi bien lors de l'exécution de l'activité de base que pendant l'évaluation formative. De même, il faudrait que la relation professeur- élève soit chose acquise.
  • Savoir donner une clôture vraisemblable au cours ou à une partie du cours, i. e. être capable de résumer ou de faire résumer, de synthétiser les étapes principales. Cette phase de la leçon constitue, comme d'ailleurs la phase d'ouverture, le point culminant de l'activité pédagogique. A la fin du cours les élèves éprouvent apparemment de la satisfaction – ou de l'insatisfaction -. Le professeur doit donc tenir compte de ces réactions pour construire d'éventuels exercices de remédiation.
Ceci étant, l'entraînement progressif aux pratiques inhérentes à la mission à laquelle on postule exige eu égard du formé (stagiaire) la reconnaissance et la mise en oeuvre de cette méthode. Il ne suffit pas de se livrer, avec les bonnes intentions et la volonté qu'on pourrait bien avoir, à des activités professionnelles sans cependant tenir compte des principaux fondements de la démarche qui nous sert de base à la maîtrise d'un certain nombre d'aptitudes susceptibles de nous mettre, sans risque, sur les rails et de faciliter partant notre accès aux techniques professionnelles qui sont celles du métier d'enseignant.

2- Principes fondateurs de la démarche :

 

Cette technique, considérée comme un «catalyseur d'idées nouvelles », s'inspire de la psychologie de l'apprentissage et de l'enseignement programmé. Les travaux de Skinner[2], auteur de La Technologie de l'enseignement (1968) [3], seront abondamment consultés. Dans le domaine de la formation professionnelle, on n'acquiert plus des réflexes à partir d'observations globales et non structurées ou à partir d'exposés théoriques abstrus, mais on se les approprie grâce à une dynamique personnelle d'apprentissage qui vise essentiellement à autonomiser le formé. L'implication du sujet est constamment sollicitée parce qu'un individu apprend lorsqu'il est capable d'observer les conséquences de ses actes. C'est justement ce qu'on appelle la « rétroaction cybernétique ». L'imitation fait place à une restructuration progressive du comportement. Les « pratiques » favorisent donc cette éclosion individuelle et amène le stagiaire à se voir dans la glace et à se corriger. Aussi sera-t-il mieux armé pour surmonter les difficultés majeures de l'acte d'enseigner.

 

De ce fait, la prise en main d'une classe normale ne passe pas exclusivement par la théorie, puis l'observation globale, mais suit l'itinéraire d'apprentissage suivant : théorie d'abord, observation structurée permettant eu égard l'acquisition progressive des aptitudes et enfin prise en main d'une classe normale. Cela pourrait être figuré ainsi :

 

Métier d’enseignant

 ↓

                                                                                                                                               

Théories pédagogiques        Observation structurée par MSP      Prise en main du groupe-classe

                                                                                                                                                         

      Contexte pédagogique                     Maîtrise de compétences                        Mise en oeuvre

 

 

 

 

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[1] Cette technique, élargie à la formation continue, arrive au Canada. Et de là elle s'installe en Europe dès 1970. En France, on pratiquait, bien avant cette date, le CFTV (Circuit fermé de télévision) à l'ENS de Saint-Cloud et dans d'autres centre de formation des maîtres. Sa rapide extension est due principalement à son caractère flexible et pratique. Cette méthode est en effet caractérisée par ses multiples possibilités d'utilisation. Ses variables ne sont pas statiques mais susceptibles d'être modifiées selon la situation et les objectifs de formation.

[2] Buhrrus Frederic Skinner (1904-1990) est l'un des principaux tenants de l'école béhavioriste au Etats-Unis. Il explique le comportement humain en termes de réactions physiologiques à des stimuli extérieurs. Il fut le promoteur de l'enseignement programmé. Cette technique consiste à présenter à l'apprenant une série d'éléments d'information ordonnés qu'il doit comprendre un par un, avant de passer au suivant dans la série.

[3] Lire l'article de Louis M. Smith, 2000, cliquer ici.





 



07/10/2010
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