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Evolution conditionnelle des langues 1/4

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Abdelghafour Bakali

 

   La langue est un trésor déposé par la pratique de la parole dans les sujets appartenant à une même communauté, un système grammatical existant virtuellement dans chaque cerveau, ou plus exactement, dans les cerveaux d'un ensemble d'individus ; car la langue n'est complète dans aucun, elle n'existe parfaitement que dans la masse.
Ferdinand de Saussure, Cours de linguistique générale, Payot, 1972, p.30

 


         Pour que des langues-filles se dégagent d'une protolangue originelle, il faut que celle-ci fût exposée à des changements profonds, plutôt à une évolution, entraînés essentiellement par la fusion d'éléments étrangers dans la communauté linguistique susceptible, pour des raisons socio-économiques, culturelles et religieuses, de les accueillir. La mobilité populaire est un autre facteur de la dislocation, ou plutôt de l'altération, de la langue originelle. Et afin de saisir à bon escient ce phénomène, assez complexe, de l'émergence des « langues-filles», nous allons schématiser cette évolution qu’entraînent différentes pressions : la langue souche évolue inévitablement et aboutit à un ensemble d’idiomes - ou dialectes - dépendant, pour une large part, de la langue primitive ou langue-support ; laquelle leur transmet in globo les structures phonético-morphologiques, syntaxiques et lexicales; mais une fois passées dans les parlers qui en dérivent elles sont généralement simplifiées parfois recréées.

   De même, cette langue basique leur transmet, entre autres, un habitus linguistique qui persiste en tout en partie dans les langues-filles. L'un des ces dialectes, pour des raisons politiques, sociales, culturelles et économiques, pourrait garder presque intacte la structure linguistique de la langue-mère, ou  encore se transformerait selon une évolution conditionnée par des lois somme toute inflexibles. Et de ce fait, elle se maintient dans l’usage littéraire et liturgique. Mais avant de figurer cette évolution à laquelle sont soumises la quasi-totalité des langues, nous allons présenter, en supplément d’information, un tableau  visualisant le domaine sémitique qui nous intéresse en premier lieu.

 

  

 


 

           Cette représentation structurelle de la géographie des langues sémitiques s'inspire du tableau élaboré par Hans Bauer et Pontus Leander, auteurs du Grammatik des Biblisch-Aramäischen, (Halle, 1927)[1], et rappelé par Welfinson dans son Histoire, تاريخ اللغات السامية, 1929 :11. C'est un tableau qui montre la «distance chronologique» séparant le «vieux sémitique» des langues  qui en dérivent, et précise par ailleurs la date éventuelle de l'apparition de chacune d'elles.

 

      Pour nous résumer, nous proposons, en ce qui nous concerne, le schéma suivant, précisant les principales «facteurs d'altérations» qui conditionnement l’évolution du système linguistique de la langue prototypique. Car « […] l'évolution d'une langue, note A. Martinet, Eléments de linguistique générale, 1974 :173, est sous la dépendance de l'évolution des besoins communicatifs du groupe qui l'emploie. Bien entendu, l'évolution de ces besoins est en rapport direct avec l'évolution intellectuelle, sociale et économique de ce groupe ». 

 

 

  

 

       

Notons aussi que Welfinson dresse, dans son Histoire, un canevas qui détermine un certain nombre d'idiomes issus d'une langue primitive non  encore attestée, à cause de l'insuffisance, voire de l'inexistence, de sources explicites à ce sujet. Identifiant des «masses linguistiques » anciennes, il fait descendre de cette langue hypothétique six parlers ayant des rapports historiques, sociaux, psychologiques avec le peuple qui aurait à Babel, au sud de l'Irak, ou comme le soutient l’orientaliste italien Ignazio Guidi (1844-1935) en Ethiopie, en Arménie, en Syrie, en Arabie ou enfin dans une autre région du Moyen-Orient, produit une civilisation dite «sémitique »; celle justement qui inventa l'écriture cunéiforme et étendit son pouvoir sur les populations voisines.

 

            Cette langue primitive, ou «sémitique commun », plus proche de l’ancien arabe d'après le théologien allemand Hermann Olshausen (1796-1839), se caractérise, selon Welfinson, par des schèmes rudimentaires, n'exprimant qu'un mode de vie essentiellement rural, et marquée foncièrement par le nomadisme. Les locuteurs de cet idiome se complaisaient en effet dans le nomadisme et l'élevage du bétail, en particulier le chameau. Une langue est en effet le reflet d'une culture, si primitive qu'elle soit, de ses institutions, du mode de vie des sujets parlants. Elle est aussi le témoin de leurs croyances, de leur niveau culturel, de leurs caractéristiques psychologiques, des conditions du sol et du climat, etc.


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[1] Republié récemment (1995) par l’éditeur Georg Olms Verlag.



09/01/2013
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